EDITORIAL N°142 – Juin 2021
Législation financière & Brexit : quelle stratégie pour le Royaume-Uni ?
L’une des questions posées par le Brexit porte sur la manière dont la législation financière britannique va évoluer par rapport à celle de l’Union Européenne.
Une première réponse y a été récemment apportée par la FCA via son « Director of Markets and Wholesale Policy ».
Selon la FCA, l’approche envisagée par le Royaume-Uni vise à permettre aux utilisateurs britanniques et mondiaux de « prospérer », quitte à remettre en cause tout ou partie des règlementations qui n’ont pas prouvé leur efficacité par rapport aux coûts induits. Même si, par ailleurs, la FCA précise bien que son objectif n’est évidemment pas de « rechercher des normes basses en vue d’obtenir un avantage concurrentiel », on voit bien, à travers ces affirmations, toute la difficulté de l’exercice pour les régulateurs britanniques.
En effet, la stratégie du Royaume-Uni vis-à-vis du régime réglementaire de l’UE va donc consister à tenter de conserver une large équivalence avec l’Union Européenne, tout en rationalisant et améliorant des règles spécifiques afin de permettre à leurs établissements financiers de « prospérer ».
Cette stratégie s’est déjà traduite par la décision annoncée en Juin 2020 de ne pas mettre en œuvre, en l’état, le régime de settlement discipline de CSDR ou de ne pas étendre l’application du règlement SFTR aux sociétés non financières (contrairement aux règles récemment entrées en vigueur dans l’UE).
Dans cette même optique, la FCA a publié le 28 avril 2021, un document de consultation présentant un certain nombre de modifications potentielles des règles imposées par MiFIDII au Royaume-Uni, notamment en ce qui concerne les exigences en matière de recherche en investissement et de déclaration de meilleure exécution. Ces modifications font écho au paquet de mesures dites « quick fix » de l’Union Européenne dont nous avons précédemment parlé.
Bien qu’il ne soit pas surprenant que la FCA ait choisi de s’écarter des propositions de l’UE et d’adapter les changements aux besoins du marché britannique, cet objectif devra être mis en balance avec les avantages des futures déterminations d’équivalence entre le Royaume-Uni et l’UE ainsi qu’avec la nécessité d’éviter, aux sociétés qui exercent leurs activités dans les deux juridictions, une mise en conformité à deux régimes différents.
De ce fait, il reste à voir si les entreprises d’investissement concernées choisiront de profiter des exemptions de la FCA ou si elles trouveront plus facile (et moins coûteux) de maintenir une approche unique dans l’UE et au Royaume- Uni.
Protection des données : vers de nouvelles garanties pour l’échange de données fiscales entre pays
Ces dernières années, la lutte contre la fraude fiscale a fait l’objet d’une attention particulière au niveau mondial, ce qui a conduit l’OCDE à définir une norme (CRS) pour l’échange automatique, entre pays, d’informations sur les actifs et les revenus détenus à l’étranger par leurs ressortissants fiscaux.
Cette procédure d’échanges d’informations bilatéraux entre plus de 70 pays s’est inspirée du modèle FATCA qui organise également le transfert, vers les autorités fiscales américaines, de données concernant les citoyens et les contribuables américains (US person).
L’une et l’autre de ces procédures d’échanges de données sont contestées car considérées comme incompatibles avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et le droit des contribuables à la vie privée.
Plusieurs affaires contestant les échanges CRS ont été récemment portées devant les tribunaux de plusieurs juridictions de l’UE, et des objections similaires ont été soulevées à l’égard de FATCA, qui ont donné lieu à un examen par le Conseil européen de la protection des données (EDPB).
A cette occasion, l’EDPB a publié une déclaration confirmant que, même si tous les accords internationaux impliquant le transfert de données personnelles à des pays tiers qui ont été conclus par les États membres de l’UE restent en vigueur, les États membres devront évaluer si ces accords sont conformes au GDPR et au droit à la vie privée. S’ils ne sont pas conformes, il leur conviendra de réfléchir aux moyens de les mettre en conformité avec le règlement.
L’examen par les États membres pourrait donc aboutir à une évolution de ces échanges automatiques d’informations (CRS et FATCA), afin d’y introduire des garanties supplémentaires qui puissent en assurer la conformité avec GDPR.
CSDR : nouvelles recommandations de la part de l’ESMA
L’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) a répondu le 20 mai à la révision, par la Commission européenne, du règlement CSDR.
Elle recommande des modifications du règlement dans un certain nombre de domaines dont notamment les dispositions relatives à la supervision de T2S.
Au premier rang de ses recommandations, l’ESMA souligne la nécessité de renforcer la capacité des CSD de T2S à gérer les risques qui découlent de l’externalisation des activités de règlement vers la plateforme T2S.
En effet, l’ESMA note dans sa lettre que T2S est actuellement surveillé selon une « approche légère », par le biais de dispositions définies dans les principes applicables aux infrastructures des marchés financiers (PFMI) dans le cadre de surveillance de la BCE, et non par des dispositions directement intégrées dans CSDR.
Compte-tenu de la centralité de T2S pour les opérations de règlement dans les États membres de l’UE, l’ESMA estime qu’il n’est « pas approprié » d’exclure complètement cette plateforme de règlement d’importance systémique du champ d’application du CSDR.
Elle conseille également de modifier CSDR afin de permettre une meilleure coopération entre les principaux participants impliqués dans la surveillance des activités de settlement de T2S, en particulier, les régulateurs nationaux, l’ESMA ainsi que la BCE en tant que superviseur de la plateforme.
Précisons que la lettre de l’ESMA ne mentionne pas son point de vue sur le régime de discipline de règlement de la CSDR, en particulier sur sa partie la plus controversée, le rachat obligatoire, qui a fait l’objet de nombreuses réactions de la part du secteur.